L’internement d’office : entre protection de la société et droits fondamentaux des patients

La mesure d’internement d’office constitue l’une des procédures les plus sensibles du droit français, à l’intersection de la psychiatrie, du droit et des libertés individuelles. Cette privation de liberté, motivée par des troubles mentaux, soulève des questions juridiques et éthiques fondamentales dans un État de droit. Le cadre légal a connu des évolutions majeures, notamment avec la loi du 5 juillet 2011 modifiée en 2013, renforçant les garanties accordées aux patients. Entre nécessité thérapeutique et respect des droits fondamentaux, l’internement d’office reste un sujet controversé où s’affrontent protection de la santé publique et sauvegarde des libertés individuelles.

Fondements juridiques et évolution historique de l’internement d’office

Les racines de l’internement psychiatrique en France remontent à la loi du 30 juin 1838, dite loi Esquirol, qui a posé le premier cadre légal des hospitalisations sans consentement. Cette législation, remarquablement longévité, a structuré pendant plus d’un siècle et demi la prise en charge des personnes souffrant de troubles mentaux en France. Elle prévoyait deux modalités d’admission en établissement psychiatrique sans consentement : le placement volontaire (demandé par un tiers) et le placement d’office (ordonné par l’autorité publique).

La loi du 27 juin 1990 a constitué une première réforme d’envergure, remplaçant les termes de « placement » par celui d' »hospitalisation », marquant ainsi une évolution dans la conception même de la mesure, désormais envisagée sous un angle plus thérapeutique que sécuritaire. Cette loi a renforcé les droits des patients hospitalisés sans leur consentement tout en maintenant les deux voies d’admission : l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) et l’hospitalisation d’office (HO).

La réforme du 5 juillet 2011, modifiée par la loi du 27 septembre 2013, constitue un tournant majeur. Elle fait suite à plusieurs décisions du Conseil constitutionnel qui a censuré certaines dispositions du régime antérieur au motif qu’elles ne garantissaient pas suffisamment les droits des personnes hospitalisées sans consentement. Cette réforme a introduit l’intervention systématique du juge des libertés et de la détention (JLD) dans le contrôle des mesures d’hospitalisation complète sans consentement.

La terminologie a également évolué : l’hospitalisation d’office est devenue admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État (ASPDRE), reflétant la volonté du législateur de mettre l’accent sur la dimension thérapeutique de la mesure plutôt que sur son aspect contraignant.

Cette évolution législative témoigne d’une recherche constante d’équilibre entre deux impératifs parfois contradictoires : d’une part, la nécessité de protéger la société et de soigner des personnes dont les troubles mentaux peuvent représenter un danger, et d’autre part, le respect des libertés individuelles fondamentales, au premier rang desquelles figure la liberté d’aller et venir.

Les principes constitutionnels en jeu

L’internement d’office met en tension plusieurs principes à valeur constitutionnelle :

  • La protection de la santé, reconnue comme objectif de valeur constitutionnelle
  • La liberté individuelle et la sûreté, garanties par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
  • La dignité humaine, principe reconnu par le Conseil constitutionnel depuis 1994
  • Le droit au recours effectif devant une juridiction

La jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a considérablement influencé les réformes législatives en la matière, exigeant un renforcement continu des garanties procédurales offertes aux personnes faisant l’objet d’une mesure d’internement.

Procédure et conditions de l’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État

L’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État (ASPDRE), anciennement hospitalisation d’office, obéit à une procédure strictement encadrée par le Code de la santé publique, principalement aux articles L. 3213-1 et suivants. Cette mesure intervient lorsque les troubles mentaux d’une personne nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.

L’initiative de la mesure

L’ASPDRE est prononcée par arrêté du préfet (ou, à Paris, du préfet de police), sur la base d’un certificat médical circonstancié. Ce certificat ne peut émaner d’un médecin exerçant dans l’établissement accueillant le patient, garantissant ainsi une première forme d’indépendance dans l’évaluation médicale.

Dans les situations d’urgence, le maire (ou, à Paris, les commissaires de police) peut prendre des mesures provisoires, avec un avis médical ou, à défaut, sur la foi de la notoriété publique. Ces mesures doivent être confirmées dans les 48 heures par le préfet, faute de quoi elles deviennent caduques.

Les critères légaux justifiant la mesure

Deux conditions cumulatives doivent être réunies pour justifier une ASPDRE :

  • La présence de troubles mentaux nécessitant des soins
  • L’existence d’un danger pour la sûreté des personnes ou d’une atteinte grave à l’ordre public

La jurisprudence a précisé ces notions, exigeant que le danger ou l’atteinte à l’ordre public soit actuel et suffisamment caractérisé. Une simple crainte ou un risque hypothétique ne suffit pas à justifier une mesure aussi restrictive de liberté.

Le déroulement de la procédure

Une fois l’arrêté préfectoral pris, le patient est admis dans un établissement habilité à recevoir des patients en soins sans consentement, généralement un centre hospitalier spécialisé en psychiatrie. La loi prévoit ensuite une série de certificats médicaux destinés à évaluer régulièrement la nécessité du maintien des soins :

  • Un certificat médical des 24 heures suivant l’admission
  • Un certificat médical des 72 heures qui propose la forme de la prise en charge (hospitalisation complète ou programme de soins)
  • Des certificats mensuels justifiant le maintien des soins

Ces certificats sont émis par des psychiatres de l’établissement d’accueil, distincts autant que possible pour garantir une pluralité d’avis.

Le directeur de l’établissement joue un rôle crucial dans la transmission de ces certificats au préfet et au juge des libertés et de la détention (JLD). Il doit également informer le patient de ses droits, notamment celui de saisir la Commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) ou le JLD.

Des procédures spécifiques existent pour certaines catégories de patients, notamment ceux déclarés pénalement irresponsables en raison de troubles mentaux ou ceux ayant séjourné en unité pour malades difficiles (UMD). Pour ces patients, le régime est renforcé, avec des avis collégiaux obligatoires et des conditions de levée de la mesure plus strictes.

Le contrôle judiciaire et administratif des mesures d’internement

L’une des avancées majeures des réformes récentes réside dans le renforcement du contrôle des mesures d’internement, tant par le juge judiciaire que par diverses instances administratives. Ce double contrôle vise à prévenir les internements abusifs et à garantir que la privation de liberté reste proportionnée à l’état de santé du patient et aux risques qu’il présente.

Le rôle central du juge des libertés et de la détention

Depuis la réforme de 2011, le juge des libertés et de la détention (JLD) exerce un contrôle systématique sur les mesures d’hospitalisation complète sans consentement. Cette intervention judiciaire obligatoire constitue une garantie fondamentale contre l’arbitraire.

Le JLD doit être saisi par le directeur de l’établissement :

  • Avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de l’admission en hospitalisation complète
  • Avant l’expiration d’un délai de 6 mois suivant toute décision judiciaire prononçant l’hospitalisation

Le juge statue à l’issue d’un débat contradictoire lors d’une audience qui peut se tenir au sein de l’établissement psychiatrique. Le patient peut être assisté ou représenté par un avocat, éventuellement commis d’office. Le JLD dispose de plusieurs options :

  • Maintenir la mesure d’hospitalisation complète
  • Ordonner la mainlevée immédiate de la mesure
  • Ordonner une mainlevée différée pour permettre l’élaboration d’un programme de soins

Les décisions du JLD peuvent faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué, puis d’un pourvoi en cassation. La Cour de cassation a développé une jurisprudence abondante sur ce contentieux, précisant notamment les conditions de forme des certificats médicaux ou les conséquences des irrégularités procédurales.

Les recours facultatifs

Outre le contrôle systématique, le patient peut à tout moment saisir le JLD pour demander la mainlevée de la mesure. Cette saisine peut également émaner :

  • Des proches du patient (conjoint, personne justifiant d’une vie commune, parents, personne autorisée à agir dans l’intérêt du patient)
  • Du procureur de la République
  • Du directeur de l’établissement

Ces recours facultatifs constituent une garantie supplémentaire permettant de contester la mesure entre deux contrôles obligatoires.

Le contrôle administratif

Parallèlement au contrôle judiciaire, plusieurs instances administratives surveillent les conditions d’internement :

La Commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) joue un rôle majeur. Composée de magistrats, médecins, représentants d’associations et personnalités qualifiées, elle examine la situation des personnes hospitalisées sans consentement et peut saisir le JLD. Elle effectue des visites d’établissements et peut examiner, à la demande du patient, les dossiers individuels.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), autorité administrative indépendante créée en 2007, inspecte les établissements psychiatriques pour s’assurer du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Ses rapports, souvent critiques, ont contribué à améliorer les pratiques dans de nombreux établissements.

D’autres autorités interviennent ponctuellement : le préfet, l’Agence régionale de santé (ARS), le procureur de la République, ou encore le Défenseur des droits. Cette multiplicité d’intervenants vise à prévenir les abus, mais peut parfois créer des chevauchements de compétences.

La Haute Autorité de Santé (HAS) émet des recommandations de bonnes pratiques concernant les soins sans consentement, contribuant ainsi à l’amélioration continue des procédures et à l’harmonisation des pratiques sur le territoire national.

Droits des patients en soins psychiatriques sans consentement

Bien que privées de leur liberté d’aller et venir, les personnes faisant l’objet d’une mesure d’internement conservent l’ensemble de leurs droits fondamentaux. Le législateur a progressivement renforcé ces droits, sous l’influence notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Information et consentement aux soins

Dès l’admission, le patient doit être informé de sa situation juridique et de ses droits. Cette information, qui doit être délivrée d’une manière adaptée à son état, porte notamment sur :

  • Les raisons médicales et juridiques justifiant son hospitalisation
  • Les voies de recours dont il dispose
  • Les garanties procédurales qui l’entourent

Concernant les soins, un principe fondamental s’applique : si l’hospitalisation peut être contrainte, les soins eux-mêmes, particulièrement les traitements invasifs, requièrent en principe le consentement du patient. La loi prévoit néanmoins des exceptions, notamment en cas d’urgence ou de péril imminent.

La question des mesures d’isolement et de contention fait l’objet d’une attention particulière. Le Conseil constitutionnel, par plusieurs décisions (notamment celle du 19 juin 2020), a imposé un encadrement strict de ces pratiques, considérées comme particulièrement attentatoires aux libertés. La loi du 14 décembre 2020, complétée par celle du 22 janvier 2022, a ainsi précisé les conditions de recours à ces mesures, leur durée maximale, et instauré un contrôle spécifique du JLD lorsque certains seuils de durée sont dépassés.

Dignité et vie privée

Le respect de la dignité et de la vie privée des patients constitue une exigence fondamentale. Cela implique notamment :

  • Des conditions d’hébergement décentes
  • Le respect de l’intimité
  • La confidentialité des informations personnelles
  • La possibilité de recevoir des visites dans des conditions respectueuses

Le patient conserve également le droit de communiquer avec les autorités (préfet, procureur, CDSP, etc.), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, et son avocat. Ces correspondances ne peuvent être ni contrôlées ni retenues.

La question de l’accès aux effets personnels, notamment au téléphone portable, fait l’objet de pratiques variables selon les établissements. La jurisprudence tend à considérer que les restrictions doivent être justifiées par des raisons médicales individualisées et non par des règlements généraux et abstraits.

Droits civiques et sociaux

Contrairement à une idée reçue, l’hospitalisation sans consentement n’entraîne pas automatiquement la perte des droits civiques. Le patient conserve notamment son droit de vote, sauf décision spécifique du juge dans le cadre d’une mesure de protection juridique.

Les droits sociaux sont également maintenus, avec des adaptations pratiques liées à la situation d’hospitalisation. Le patient peut ainsi continuer à percevoir ses prestations sociales, même si des modalités particulières de gestion peuvent être mises en place.

La protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle) constitue un sujet distinct de l’hospitalisation sans consentement. Si ces deux régimes peuvent se cumuler, ils obéissent à des logiques et des procédures différentes. L’hospitalisation sans consentement ne préjuge pas de la capacité juridique de la personne, même si elle peut constituer un élément d’appréciation pour le juge des tutelles.

La loi garantit également au patient le droit de désigner une personne de confiance qui sera consultée au cas où il serait hors d’état d’exprimer sa volonté. Cette désignation, révocable à tout moment, constitue une garantie supplémentaire pour le respect des souhaits du patient.

Les défis contemporains de l’internement psychiatrique : entre thérapeutique et sécuritaire

L’internement psychiatrique se trouve aujourd’hui au cœur de tensions multiples qui reflètent les évolutions de la société et de la psychiatrie elle-même. Ces défis concernent tant les pratiques médicales que les aspects juridiques et éthiques de la contrainte en santé mentale.

La psychiatrie entre soin et contrôle social

La question du rôle de la psychiatrie dans la société contemporaine demeure complexe. Historiquement chargée d’une double mission thérapeutique et de contrôle social, la psychiatrie moderne cherche à s’affranchir de cette ambivalence pour se recentrer sur sa dimension soignante.

Pourtant, les attentes sécuritaires de la société tendent parfois à réassigner à la psychiatrie un rôle de gestion des comportements déviants. Les faits divers impliquant des personnes souffrant de troubles mentaux alimentent régulièrement des débats sur le rôle préventif que devrait jouer l’internement psychiatrique.

Cette tension se manifeste dans certaines évolutions législatives récentes, comme l’instauration de procédures spécifiques pour les patients ayant séjourné en Unité pour Malades Difficiles (UMD) ou déclarés pénalement irresponsables. Ces dispositions, qui instaurent un régime plus contraignant, ont d’ailleurs fait l’objet de critiques et de censures partielles par le Conseil constitutionnel.

Parallèlement, on observe une judiciarisation croissante de la psychiatrie, avec l’intervention systématique du juge des libertés et de la détention. Si cette évolution constitue une garantie essentielle contre l’arbitraire, elle peut parfois complexifier la relation thérapeutique et transformer l’hôpital psychiatrique en lieu où s’exerce une forme de justice spécialisée.

Les alternatives à l’hospitalisation complète

L’une des innovations majeures de la loi du 5 juillet 2011 a été l’introduction des programmes de soins, permettant des prises en charge sans consentement en dehors de l’hospitalisation complète. Cette modalité, qui peut inclure des soins ambulatoires, des séjours en hôpital de jour ou des traitements à domicile, vise à proposer des alternatives moins restrictives de liberté.

Ces programmes soulèvent néanmoins des questions juridiques délicates. Le Conseil constitutionnel a précisé qu’ils ne pouvaient comporter de mesures de contrainte physique, réservant celle-ci à l’hospitalisation complète. Cette limitation pose la question de l’effectivité de ces programmes lorsque le patient refuse de s’y soumettre, la seule solution restant alors le retour à l’hospitalisation complète.

Plus largement, le développement de la psychiatrie communautaire et des équipes mobiles de psychiatrie constitue une voie prometteuse pour limiter le recours à l’internement. Ces approches visent à intervenir précocement, dans le milieu de vie des patients, pour prévenir les situations de crise nécessitant une hospitalisation contrainte.

Les enjeux éthiques et pratiques

Au-delà des questions juridiques, l’internement soulève des enjeux éthiques fondamentaux. La contrainte en psychiatrie pose la question du respect de l’autonomie du patient et des limites du paternalisme médical. Le concept de consentement aux soins lui-même se révèle problématique lorsque la maladie affecte précisément les capacités de discernement.

Sur le plan pratique, la pénurie de moyens affectant la psychiatrie publique constitue un obstacle majeur à une prise en charge respectueuse des droits des patients. Le manque de personnels qualifiés et de structures adaptées conduit parfois à privilégier des approches sécuritaires au détriment de l’accompagnement thérapeutique individualisé.

Les inégalités territoriales en matière d’offre de soins psychiatriques créent également des disparités dans le recours à l’internement. Dans certains territoires sous-dotés, l’hospitalisation sans consentement peut devenir une réponse par défaut, faute d’alternatives ambulatoires suffisamment développées.

Enfin, la stigmatisation persistante des troubles mentaux dans la société contribue à maintenir une perception négative de la psychiatrie et de ses patients. Cette stigmatisation peut retarder l’accès aux soins et conduire à des situations de crise nécessitant le recours à la contrainte.

Perspectives et réformes envisageables pour un meilleur équilibre entre soins et liberté

Face aux défis identifiés, plusieurs pistes de réforme émergent pour améliorer le dispositif d’internement psychiatrique en France. Ces évolutions potentielles concernent tant le cadre juridique que les pratiques médicales et l’organisation des soins.

Vers une refonte du cadre légal ?

Le cadre légal actuel, issu de réformes successives, présente une complexité qui nuit parfois à sa lisibilité et à son application. Une simplification des procédures, tout en maintenant les garanties fondamentales, pourrait être envisagée.

La question des directives anticipées en psychiatrie constitue une piste prometteuse. Sur le modèle de ce qui existe déjà pour les soins somatiques, ces directives permettraient aux personnes souffrant de troubles mentaux d’exprimer, pendant les périodes de stabilité, leurs préférences concernant leur prise en charge lors des crises futures. Ce dispositif renforcerait l’autonomie des patients et pourrait limiter le recours à la contrainte.

L’harmonisation du droit français avec les standards internationaux, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) de l’ONU, constitue un autre enjeu majeur. Cette convention, ratifiée par la France, promeut une approche fondée sur les droits et remet en question les régimes de décision substitutive au profit d’une prise de décision accompagnée.

Repenser les pratiques cliniques

Au-delà du cadre légal, c’est l’évolution des pratiques cliniques qui pourrait transformer l’approche de la contrainte en psychiatrie. Les expériences de désescalade et de prévention de la violence dans les services psychiatriques montrent qu’il est possible de réduire significativement le recours à l’isolement et à la contention.

Le développement des approches de rétablissement (recovery) en santé mentale, centrées sur l’empowerment des patients et leur participation active aux soins, offre également des perspectives pour limiter les hospitalisations contraintes. Ces approches valorisent l’expérience vécue des patients et les impliquent comme partenaires dans la définition de leur projet de soins.

L’intégration de pairs-aidants (personnes ayant elles-mêmes vécu des troubles psychiques et formées pour accompagner d’autres patients) dans les équipes soignantes constitue une innovation prometteuse. Leur présence peut faciliter la communication entre soignants et patients, désamorcer des situations de tension et proposer des alternatives à la contrainte basées sur leur expérience personnelle.

Réorganiser l’offre de soins

Une réorganisation profonde de l’offre de soins psychiatriques apparaît nécessaire pour réduire le recours à l’internement. Le développement de services d’intervention de crise, disponibles 24h/24, permettrait de répondre rapidement aux situations d’urgence sans passer systématiquement par l’hospitalisation.

L’expérience des équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP) et des dispositifs d’« aller vers » montre l’intérêt d’approches proactives, intervenant dans le milieu de vie des personnes avant que leur situation ne se dégrade au point de nécessiter un internement.

Le renforcement des alternatives à l’hospitalisation (centres d’accueil et de crise, hospitalisation à domicile, appartements thérapeutiques) offrirait un continuum de soins permettant d’adapter la réponse à la situation spécifique de chaque patient.

Enfin, une meilleure articulation entre psychiatrie et médecine générale, ainsi qu’avec les services sociaux, permettrait une prise en charge plus globale et précoce des troubles psychiques, réduisant le risque d’évolution vers des situations de crise nécessitant un internement.

Ces différentes pistes de réforme s’inscrivent dans une vision de la psychiatrie qui place le respect des droits et de la dignité des patients au cœur de sa démarche, sans renoncer à sa mission thérapeutique. Leur mise en œuvre nécessiterait un engagement politique fort et des moyens à la hauteur des enjeux, dans un contexte où la santé mentale est progressivement reconnue comme une priorité de santé publique.